Publié le 07/03/2023 Par Paul-Antoine Champy

Qui n’a jamais entendu parler de cette fameuse crise qui a eu lieu en 1929 ? Tout le monde au moins une fois a eu connaissance de cet événement majeur de la première moitié du XXe siècle, que ce soit au travers de séries comme Peaky Blinder ou au détour d’une conversation économique. Mais qui sait réellement comment cette crise est apparue et dans quel contexte ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans l’article d’aujourd’hui.

Au sortir de la Grande Guerre, le paysage géopolitique se trouve bouleversé. Mais parmi les pays vainqueurs, un en particulier a réussi à tirer son épingle du jeu.

Quelles sont les causes de la crise économique de 1929 ?

Tout commence en 1917, quand Wilson décide d’engager son pays dans la Première Guerre mondiale, entre autres à cause du blocus Allemand au cours duquel un navire américain a été coulé (Viligentia). Mais aussi du fait du pacte proposé par les Allemands aux Mexicains, menaçant directement le sol des États-Unis. Résultat, le pays décide alors de rejoindre l’Entente et de mettre fin à sa politique de non-intervention.

Les conséquences de la Première Guerre mondiale

Au total, pas moins de près d’un million d’Américains sont engagés sur le sol européen, accompagnés d’une puissance technique et industrielle mise à disposition sous forme de prêt aux membres de l’Entente. Par exemple, un crédit de 15 milliards de Francs est ainsi consenti à la France. Durant cette période, entre un tiers et un quart de l’or mondial disponible est récupéré. À cette époque, l’or servait en effet d’étalon aux principaux pays.

Les banques centrales devaient normalement s’assurer que la réserve d’or qu’elles détenaient (mais aussi d’argent) pouvait couvrir totalement les billets qu’elles émettaient. De plus, le taux de change des différentes monnaies était fixé par rapport à l’or et non par rapport au dollar comme actuellement. En conséquence, la guerre permet de doper leur industrie et leur commerce. Malgré cela, le pays décide de conserver une politique isolationniste par rapport au reste du monde. Et même prohibitive en interdisant la production et la vente d’alcool en 1919.

Les Années Folles ou les “Roaring Twenties

Les années d’après-guerre, également appelées les années folles, sont globalement des années fastes pour le “good business” (bonnes affaires). Les économies occidentales sont en effet saisies d’une euphorie de production et l’économie s’emballe, donnant lieu à une période de forte activité sociale, culturelle et artistique. Les États-Unis inventent alors la société de consommation et certains produits comme les voitures deviennent des produits disponibles pour tous. Cette euphorie se retranscrit aussi sur le cours du Dow Jones (indice boursier américain) qui ne cesse de grimper. La raison : les quelques dollars d’économie des familles américaines peuvent alors être investis en bourse. La période voit des fortunes colossales se créer, selon les histoires, en quelques mois seulement.

Malgré cet engouement durant cette période, sur les 34,5 millions de familles américaines environ, 22,5 millions vivent avec un revenu inférieur à 2 500 dollars, c’est-à-dire sous le seuil de pauvreté, comme l’a très bien retranscrit le film de Chaplin Le kid.

En 1929, 35 000 familles possèdent plus de 33 % de la richesse nationale. Mais cette période s’avère surtout faste pour quelques familles de privilégiés. C’est en effet le temps des Rockefeller, Ford et autres millionnaires. Malheureusement, la situation ne pouvait continuer. Cette période de consommation en masse et d’excitation finit alors par engendrer une bulle qui finit elle-même par éclater. Joseph Kennedy aurait dit à cette époque, avant que la bulle n’éclate : « Quand un cireur de chaussure vous donne des conseils boursiers, il est remps de vendre… » Ce qui retranscrit bien l’euphorie excessive présente alors à cette époque.

Les deux dates ci-dessous permettent de mieux comprendre comment on est passé de cette période faste à une des plus grandes dépressions de l’histoire.

1926 : année de la mise en place du “call Loan”

C’est peut-être la date la plus importante pour comprendre le Krach qui s’ensuit. En 1926 est mis en place ce qui est appelé en anglais les “call loan”. Ce système permet aux personnes souhaitant investir de s’endetter pour augmenter leur capacité d’endettement. Cela implique que même les ménages les plus modestes peuvent investir dans des actions avec de l’argent ne leur appartenant pas. De même pour les entreprises qui préfèrent alors s’endetter pour spéculer que d’investir dans l’entreprise.

Le but pour ces emprunteurs étant de rembourser leur prêt avec les éventuels gains ainsi réalisés. Ce qui induit un véritable boom spéculatif. Le célèbre slogan qui vit alors le jour “Buy now, pay later” résume assez bien cette période. En 1929, environ 4/5 des actions sont alors achetées à crédit.

1928 : l’avertissement de Charles Merrill, un ponte de la finance

En 1928, Charles Merrill, cofondateur de la banque d’investissement américaine Merrill Lynch, émet un avertissement quant à cette flambée de la bourse et de la spéculation : « Sans que cela constitue une recommandation de vente, le moment est opportun de se libérer de ses crédits »

Le krach boursier : où et comment est née la crise de 1929 ?

C’est à New York, comme bien souvent dans la finance, que le krach boursier se produit. New York, ancienne colonie Hollandaise alors appelée Nouvelle Amsterdam, devient au fil des siècles l’emblème de la finance et du capitalisme, ce qu’elle est toujours aujourd’hui (voir article sur Wall Street).

En 1929, certains hommes d’affaires avisés remarquent alors que :

  • Les industries produisent à perte ;
  • Les magasins sont remplis d’invendus ;
  • Les ménages endettés ne peuvent plus rien acheter ;
  • La production automobile baisse ainsi que les revenus agricoles ;
  • Les cours de bourses ont atteint leur plus haut niveau comme on peut le voir ci-dessous :

La cause de la crise de 1929

Ils commencent alors à vendre quelques actions prudemment mais la nouvelle se répand et déclenche le fameux jeudi noir. Le jeudi 24 octobre 1929, plus connu sous le nom de jeudi noir ou Black Thursday, plus de 13 millions d’actions sont mises en vente en quelques instants sans trouver de preneur. Les acheteurs ne sont alors plus présents sur le marché ce qui crée la panique.

En une demi-journée (le jeudi noir), l’indice Dow Jones perd pour environ 22,6 % de sa valeur. Les banques interviennent pour redresser les cours et éviter un plongeon de l’indice. Ce qui fonctionne pour cette journée car l’indice ne perd plus que 2 % à la fin de la cotation.

Toutefois, des émeutes éclatent à l’extérieur du New York Stock Exchange car les gardes et la police refusent de laisser passer les actionnaires. Ceux-ci se bousculant alors pour pouvoir vendre leurs titres avant les autres. En parallèle, des rumeurs courent que des traders se seraient défenestrés ce qui ne fait qu’alimenter les craintes.

Black Monday et Black Tuesday : deux jours qui ont changé la finance 

Malgré une courte accalmie, le lundi 28 et le mardi 29 octobre 1929, plus de 30 milliards de dollars partent en fumée, du fait de l’effondrement du cours des actions. Les investisseurs, ayant contracté des crédits, veulent donc clôturer leurs positions le plus rapidement possible, pour pouvoir rembourser leurs crédits sans trop de dommage. Ils vendent alors leurs positions dans la précipitation car plus les prix des actions chutent, plus les montants investis diminuent. Par conséquent, à l’heure de rembourser le crédit, l’investisseur doit alors rembourser alors son prêt avec ses propres fonds car le montant de base emprunté ne vaut plus rien. Un mécanisme qui ne fait qu’amplifier le mouvement du krach à la baisse. C’est l’effondrement de la bourse !

 Durant ces deux journées noires (Lundi noir et Mardi noir), sans le soutien des banques, les cours de la bourse chutent de 25 %.

La déroute se poursuit pendant trois ans et le Dow Jones perd plus de 80 % de sa valeur.

Le rôle de la FED

Le rôle de la FED (Federal Reserve System) a été vivement critiqué à cette époque. La FED a en effet voulu en 1929 continuer à augmenter ses taux pour freiner la spéculation en cours. À la suite de la crise, elle voit même dans celle-ci un moyen d’assainir l’économie et décide d’intervenir modérément.

La FED fournit alors de la liquidité aux banques mais en ne voulant pas aller à l’encontre de son objectif principal, à savoir : l’ancrage du dollar par rapport à l’or. Certains critiquent aussi le fait qu’elle ne baisse pas le taux d’escompte (taux d’intérêt à court terme) assez rapidement et assez fortement, même si le taux passe de 6 % à 1,5 % en 1931. Mais difficile aujourd’hui de juger les actions de la FED à cette époque et de savoir si elle aurait pu faire mieux.

Comment définir la crise de 1929 : d’une crise économique à la grande dépression

La déroute ne reste donc pas uniquement financière longtemps, mettant aussi l’économie réelle à genou. Des dizaines de banques font faillite, des ménages plongent dans la misère, les salaires diminuent de 40 et 50 %. La grande dépression est arrivée !

 Quelles sont les conséquences sociales de la crise de 1929 ?

En 1931, plus de 30 millions d’Américains se retrouvent ainsi sans emploi. Et dans ce pays où l’assurance chômage n’existe pas, cela implique pour des millions de familles la faim et la perte de leur logement. Durant cette période, le chômage passe ainsi de 3 à 24 %, et plusieurs milliers d’entreprises font faillite. Parmi celles-ci : nombreuses sont celles qui avaient investi en bourse. Le président Herbert Hoover, adepte du libéralisme, décide alors de ne rien faire. Le but étant de purger les entreprises les plus faibles et de remettre l’économie à plat pour l’assainir. Mais la catastrophe est trop importante et des bidonvilles voient alors le jour en pleine Amérique.

Krach de 1929

Le New Deal

En 1932, Franklin Roosevelt se présente avec un plan, le “New Deal”, qui passe par un gigantesque programme de travaux publics pour redonner des emplois, un code de concurrence loyale et des mesures d’assistance sociale. Les Américains se sentent alors plus en confiance et l’économie redémarre doucement, ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays… Néanmoins, ce n’est réellement que la Seconde Guerre mondiale qui permet un redémarrage spectaculaire de l’économie américaine avec des industries tournant à plein régime.

Quelles sont les conséquences de la crise de 1929 ?

Comment la crise de 1929 devient mondiale ? Les banques voulant stopper l’hémorragie rapatrient les sommes d’argent investies en France, en Allemagne et un peu partout dans le monde. Mouvement qui exporte alors la crise dans ces pays où le retrait de ces capitaux provoque la fermeture de nombreuses usines. La France est rattrapée par le phénomène en 1933 et dès 1931 pour l’Angleterre qui voit la Livre Sterling, alors monnaie la plus forte du monde, s’écrouler. Mais c’est peut-être l’Allemagne qui fut la plus touchée et on connaît la suite…

Mais cette crise ne touche pas seulement les États-Unis ou l’Europe, mais aussi des pays d’autres continents, dépendants de certaines matières premières dont les cours chutent brutalement. Comme au Brésil, par exemple, qui ne peut plus vendre sa production de café car le prix est descendu trop bas.

Certains gouvernements réagissent dans la panique veulent rétablir leurs budgets mis à mal par la chute de l’économie. Ils mettent en place une politique de déflation qui consiste à restreindre les dépenses publiques en baissant les salaires des fonctionnaires. Mais cette politique a l’effet inverse de celui espéré et contribue alors à tendre l’économie.

Conclusion

Comment définir la crise de 1929 ? Vous l’aurez compris : cette crise est la pire que le monde moderne ait connu. Ses conséquences ont duré plusieurs années et sont la cause profonde de la montée du nationalisme et de l’isolationnisme. Certains pensent même que la crise qui est censée arriver, ou pour certains qui est déjà là, sera peut-être pire. Des grands noms de la finance comme Ray Dallio et Mickael Burry commencent à parler de récession et de la stagflation qui menace. 

De quoi s’agit-il ? De la cohabitation du chômage ou d’une faible croissance (caractéristique de la stagnation), et de l’inflation. D’après Friedman (chef de file des libéraux dans les années 1980), l’ennemi public n°1 est l’inflation et la combattre est la priorité. Ce qui peut peut-être expliquer la politique des taux de la FED au risque de causer une récession. 

Seul l’avenir nous dira si ces prévisions sont justes et à quel point. Mais Il faut que la mémoire humaine se souvienne du passé pour ne pas reproduire des erreurs dans lesquels nous sommes déjà tombés.

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Auteur

Paul-Antoine Champy

Diplomé d'une école d'ingénieur ICAM et d'un Master d'Audencia, Paul Antoine intervient en finance de marché en tant que Business Analyst/Chef de Projet pour concevoir des outils servant aussi bien pour les Traders que pour les Analystes/Gérants.