Publié le 20/09/2021 Par Christophe El Harake

Elon Musk a publié un tweet pour ses 51 millions de followers sur lequel on pouvait lire « Doge Barking at the Moon » (« Chien aboyant à la lune »). Après cette publication, la valeur du DogeCoin a littéralement explosé. Regardons de plus près l’impact des réseaux sociaux.

Quel est le principe même des réseaux sociaux ? Connecter les personnes du monde entier afin de faciliter la communication et le partage d’informations. Chaque jour, des milliers d’investisseurs particuliers se retrouvent ainsi en ligne pour échanger leur dernier bon plan. Aujourd’hui, la technologie nous offre la capacité de traiter et d’analyser de grandes quantités de données issues du web. En analysant les social data, portant notamment sur les actions boursières, il est désormais possible de faire le lien entre les tendances des marchés et les émotions des investisseurs face à l’information. Dans cet article, nous nous concentrerons sur l’impact des réseaux sociaux sur les marchés financiers en analysant certains commentaires ayant eu une influence majeure sur le cours de l’action. 

L’intelligence émotionnelle appliquée aux réseaux sociaux1 

Les réseaux sociaux sont devenus un outil essentiel à la communication financière. Ainsi, les entreprises cotées en bourse ont systématiquement un compte Twitter et utilisent fréquemment LinkedIn, Facebook ou Instagram pour diffuser leurs informations.  

Les personnes qui interagissent sur les réseaux sociaux génèrent des données émotionnelles en exprimant leur ressenti et leur opinion via des tweets, des posts Instagram ou sur des forums comme Reddit. Les utilisateurs consomment ainsi l’information, et leur choix se trouve influencé par les sentiments et les opinions exprimées par d’autres.  

Des études scientifiques montrent que les utilisateurs sont souvent influencés par les données qu’ils consomment, et que leurs décisions ou leurs actions sont en partie alignées sur celles-ci. Nous verrons par la suite plusieurs exemples de tweets qui, presque instantanément, ont déclenché des réactions émotionnelles généralisées sur le marché. 

[1] Pour plus d’informations tu les biais émotionnels, n’hésitez pas à lire notre article : Investissements : comment prendre en compte vos biais émotionnels ?

Les données émotionnelles 

Le contenu généré par les utilisateurs représente une part importante de la communication via les réseaux sociaux. Ce contenu, qui facilite l’échange d’émotions, est appelé « données émotionnelles ».  

La data intelligence quant à elle fait référence à l’analyse de grandes quantités de données afin de découvrir des relations significatives entre différents points de données pour améliorer la prise de décision. Lorsque les méthodes et les outils de la Data Intelligence sont appliqués à des données qui transportent des émotions, on peut alors parler de data émotionnelle2 (ou analyse des sentiments). 

Comment ça marche concrètement ? 

Un algorithme de machine learning récupère l’ensemble des données sur les différentes plateformes et les classifie en plusieurs catégories. Pour cela, l’algorithme va d’abord déterminer si les utilisateurs diffusent des informations fausses ou trompeuses.  

Cette détection du spam comporte généralement plusieurs étapes : 

  • Dans un premier temps, l’algorithme analyse et filtre tous les messages à la recherche de mots ou de phrases insultants. La plupart des messages de ce type peuvent être identifiés par des mots clés prédéfinis.  
  • Il existe également une approche plus avancée qui analyse les relations entre les utilisateurs. Par exemple, dans le cas de Twitter, en analysant le réseau de followers des utilisateurs ou en surveillant les interactions (telles que les likes, les mentions ou les retweets), il est possible de calculer un rang de réputation ou un « score d’auteur » pour chaque utilisateur. L’impact de chaque message est basé sur ce score d’auteur. 
  • Ensuite, un certain nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux sont sélectionnés manuellement : des experts financiers et des agences de presse renommées suivies par un grand nombre de personnes et dont les publications ont un impact plus important que d’autres. 

Si l’on prend l’exemple de la célèbre entreprise Tesla, Elon Musk est la personne la plus importante à suivre pour rester au courant des nouvelles de l’entreprise qui pourraient avoir un impact majeur sur le cours de l’action Tesla. C’est pourquoi certains experts d’un domaine ou d’une entreprise spécifique doivent être suivis afin d’obtenir les informations les plus pertinentes le plus rapidement possible. 

Pour plus d’information sur la data émotionnelle, veuillez consulter les articles suivants :
La reconnaissance des émotions de la parole
Reconnaissance des émotions

Quelques tweets qui ont marqué les marchés  

Le tweet à 11 milliards de dollars  

Mardi 13 août 2013, à 20h21 heure française, le milliardaire et investisseur américain Carl Icahn, classé 26e fortune mondiale, postait sur Twitter un message expliquant que son fond détenait dans son portefeuille une position importante dans l’entreprise Apple, et qu’il estimait que l’entreprise était fortement sous-évaluée. Par conséquent, il envoya ainsi un signal positif sur le marché incitant les investisseurs à acheter ou à renforcer leur position sur l’action Apple.  

Puis, quelques minutes après, il envoyait un second tweet dans lequel il révélait avoir eu une discussion avec Tim Cook, le patron d’Apple, en confirmant son opinion sur la sous-évaluation de l’action Apple. En seulement 20 minutes, le cours de l’action Apple est passé de 475 $ à 487 $, soit une hausse de plus de 2,5 % équivalente à une revalorisation de l’entreprise de près de 11 milliards d’euros. Par la suite, l’action continua d’augmenter.  

l'impact d'un tweet du milliardaire et investisseur américain Carl Icahn sur le cours de la bourse d'Apple.

12 kilos en moins et 130 millions de dollars de capitalisation boursière en plus  

Citons également le tweet d’Oprah Winfrey qui, le mardi 26 janvier 2016, annonçait qu’elle avait perdu 26 pounds, soit 12 kilos, tout en continuant à manger du pain. Et ce, grâce au régime Weight Watchers. 

Le cours de l’action en bourse de la société, qui à cette époque connaissait de grandes difficultés financières, a alors progressé de 20 %. En un tweet, la star américaine a fait gagner près de 130 millions de dollars de capitalisation boursière à Weight Watchers, gagnant à titre personnel un montant de 12,5 millions de dollars. 

tweet d’Oprah Winfrey qui, le mardi 26 janvier 2016, annonçait qu'elle avait perdu 26 pounds, soit 12 kilos, tout en continuant à manger du pain.

L’histoire d’amour entre Elon Musk et le DogeCoin 

Le Dogecoin connaît depuis la fin du mois de janvier une croissance exponentielle. Le fondateur de cette cryptomonnaie virtuelle, actuellement non encore identifié, possède une fortune virtuelle estimée à plus de 2,1 milliards de dollars, grâce au cours actuel du Dogecoin. Cet investisseur anonyme possède plus de 20 % de la valeur totale de la cryptomonnaie. 

Elon Musk a publié un tweet pour ses 51 millions de followers sur lequel on pouvait lire « Doge Barking at the Moon » (« Chien aboyant à la lune »). Après cette publication, la valeur du DogeCoin a littéralement explosé affichant une progression de plus de 200 % dans la nuit du vendredi, atteignant ainsi un niveau record. Le PDG de Tesla et de Space X n’a alors pas hésité à enchaîner les tweets faisant référence à cette cryptomonnaie ni, par conséquent, à faire augmenter sa capitalisation boursière. 

tweet d'Elon Musk pour ses 51 millions de followers sur lequel on pouvait lire "Doge Barking at the Moon" (« Chien aboyant à la lune »).

Un impact des réseaux sociaux sur du long ou court terme ? 

Il est vrai que les réseaux sociaux ont un réel impact sur les marchés boursiers, et plus particulièrement sur le cours d’une action ou d’une cryptomonnaie. Cependant, l’influence reste sur du court terme. Professeur à l’université de l’Indiana, Johan Bollen a montré dans un rapport3 publié en 2010 que Twitter pouvait prédire l’évolution du Dow Jones avec une fiabilité de 87,6 %. 

Tom Simonts, senior financial economist chez KBC, confirme que l’influence des réseaux sociaux sur les marchés financiers n’est cependant que de courte durée : 

« Oui, on peut faire exploser la valeur en bourse d’une société jusqu’à des niveaux stratosphériques pendant plusieurs mois. Mais, à un moment donné, cela va se dégonfler. La réalité économique gagnera toujours. À long terme, le prix d’un actif est sans exception dicté par ses fondamentaux. » 

Ainsi, les investisseurs doivent prendre ces informations en compte dans leur décision d’investissement et se préparer à vivre d’autres événements similaires avec de fortes volatilités dans les prochains mois. Bernard Keppenne, Chief Economist chez CBC Banque, souligne que « ce qui s’est passé avec GameStop va encore se produire parce que [les autorités de régulation] ne vont pas pouvoir mettre des outils rapidement en place. Et c’est quelque chose que les marchés vont devoir intégrer, que ce soit pour les actions ou le bitcoin ». 

Côté autorité des marchés financiers, où en est la régulation ? 

Aujourd’hui, il y a une réelle prise de conscience par les régulateurs des risques inhérents à l’impact des réseaux sociaux sur les marchés financiers. De ce fait, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) surveille de très près les réseaux sociaux en France afin d’éviter une affaire similaire à GameStop. En effet, selon le président de l’AMF, une action concertée d’investisseurs particuliers en vue d’entraîner l’envolée d’une action en bourse soumise à des ventes à découvert est « improbable ». 

Aux États-Unis, Janet Yellen, ancienne présidente de la Réserve fédérale américaine (Fed) et nouvelle secrétaire au Trésor, n’a pas tardé à convoquer les autorités de surveillance pour faire le point sur l’influence des réseaux sociaux sur les marchés boursiers. Les responsables de la SEC, de la Fed et de la Commodities and Futures Trading Commission (CFTC), l’autorité des marchés à terme, se sont ainsi réunis à sa demande afin de se concerter sur les nouvelles mesures à mettre en place. 

Conclusion 

Il semble évident que les réseaux sociaux jouent un rôle majeur sur les différentes places boursières. Ils sont devenus des outils permettant d’identifier les nouvelles tendances et de prévoir les mouvements du marché. Cependant, cette influence reste sur du court terme et devrait être contrôlée par les régulateurs. 

Sources :  

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Auteur

Christophe El Harake

Titulaire d'un Master 2 en Finance de marché à l'Université Paris Dauphine, Christophe est passionné par les marchés financiers. Son objectif ? Rendre la finance accessible à tous ceux qui s’y intéressent, qu’ils disposent ou non de connaissances préalables, et favoriser l’éducation financière des individus.