Troisième partie de notre dossier consacré aux dérivés climatiques. Après avoir présenté les enjeux et expliquer comment fonctionnait le financement climatique, il importe d’illustrer le sujet par le biais d’applications concrètes des dérivés climatiques grâce aux instruments financiers.
Les dérivés météorologiques
Un dérivé météorologique est basé sur un résultat météorologique convenu. Le marché des dérivés météorologiques est l’un des derniers marchés dérivés à avoir vu le jour. Il s’est rapidement développé grâce aux connaissances existantes en matière de dérivés.
Dans les travaux préexistants, les chercheurs ont divisé les risques météorologiques en deux groupes principaux : les événements extrêmes et les anomalies climatiques régionales.
Les événements extrêmes
Ces évènements tels que les inondations, les ouragans, les tempêtes de vent ou de grêle, les sècheresses, les tremblements de terre, etc. sont souvent appelés « catastrophes ».
Catastrophes qui, en général, provoquent des ravages en quelques heures à peine, voire en quelques jours. Traditionnellement, c’est le marché de l’assurance qui traite ces événements à haut risque et à faible probabilité.
Les anomalies climatiques régionales
Elles sont généralement causées par des conditions météorologiques régionales inhabituelles pouvant persister pendant des semaines ou des mois. Des conditions météorologiques telles qu’une sécheresse, une vague de chaleur, des pluies ou des nuages persistants peuvent être identifiés comme des événements à faible risque et à forte probabilité dans une région, mais néanmoins causer des problèmes financiers aux entreprises et organisations locales.
Le marché des dérivés météorologiques s’intéresse depuis longtemps aux fluctuations météorologiques qui s’écartent de la moyenne climatique normale. Des contrats sont alors conclus sur une base mensuelle ou saisonnière, en fonction des données météorologiques historiques et des prévisions saisonnières à court terme, parmi lesquels :
- Des obligations ;
- Des options d’achat ou de vente ;
- Ou des swaps.
Quel impact sur les contrats ?
Le potentiel représenté par ces dérivés météorologiques pour se « couvrir » contre le changement climatique et produire un « dérivé climatique » pousse à contracter sur un certain nombre d’années en fonction des fluctuations du climat.
Ces instruments devraient s’avérer d’un grand intérêt pour les entreprises qui sont exposées à long terme aux aléas climatiques, à l’image des compagnies d’électricité qui ont un capital considérable immobilisé dans des infrastructures telles que les lignes électriques, et de l’industrie ferroviaire avec son grand nombre de câbles électriques aériens.
Un contrat de dérivés climatiques a été défini pour inclure sept paramètres :
- Le type de contrat i.e. swap, call, put, collar, etc. ;
- Une station météorologique officielle à partir de laquelle les données météorologiques seront obtenues ;
- Définition de l’indice météorologique (W) sous-jacent au contrat ;
- Strike (S) ;
- Prime.
- Période du contrat, par exemple du 1er novembre 2002 au 31 mars 2003 ;
- Tick (k) ou paiement (P) ;
À la fin du contrat, si W diffère de S d’un montant convenu, l’acheteur (vendeur) du contrat recevra du vendeur (acheteur) un montant égal à P=k(W±S)P=k(W±S) selon le type de contrat.
Dérivés climatiques et température de surface de la mer
L’une des principaux objectifs de l’utilisation des instruments dérivés climatiques est de soutenir les entreprises leaders dans le domaine du changement climatique pour financer leurs innovations et couvrir leurs risques opérationnels.
L’exemple de l’aquaculture et de la TSM
Un exemple intéressant est celui des dérivés climatiques pour l’aquaculture. L’étude a été lancée par les récentes prévisions climatiques et les inquiétudes concernant la sensibilité de l’industrie salmonicole de Tasmanie quant au réchauffement des températures océaniques. Par exemple, le saumon est actuellement élevé dans des eaux côtières qui, certaines années, dépassent une limite thermique d’environ 18 °C, ce qui représente une réelle menace pour l’élevage.
Idéalement, les entreprises qui souhaitent s’adapter davantage au changement climatique utiliseraient le paiement de l’option pour investir dans la reproduction sélective pour développer des poissons plus tolérants à la chaleur, ou la relocalisation des installations de production dans des zones plus fraîches, en pleine mer. Si les conditions océaniques à l’échéance restent inférieures au seuil de 18°C, l’entreprise sera alors dans l’obligation de verser un paiement au détenteur du contrat.
En revanche, si les températures estivales dépassent le seuil de 18°C, l’entreprise ne sera pas dans l’obligation de verser un paiement. Au contraire, elle bénéficiera du paiement correspondant à l’exercice de l’option pour s’adapter à des températures de l’eau plus élevées. L’indice sous-jacent utilisé pour cette option est défini comme étant la Température de la Surface de la Mer (TSM).
Du point de vue de la contrepartie ou de l’investisseur, les dérivés climatiques offrent la possibilité de se couvrir contre des pertes économiques et opérationnelles potentielles. L’entreprise devra donc choisir une stratégie spécifique tout en tenant compte des autres risques non climatiques liés aux tendances économiques, sociales, politiques et démographiques qui pourraient être attendues au cours de la période considérée.
Les futures sur les catastrophes naturelles
Les contrats à terme sur les catastrophes, ou contrats à terme sur les CAT, sont des contrats dérivés négociés pour la première fois sur le Chicago Board of Trade (CBOT) afin de se couvrir contre les pertes financières liées aux catastrophes naturelles. Ces derniers sont principalement utilisés par les compagnies d’assurance pour se protéger et anticiper des évènements qui pourraient avoir un impact négatif sur la santé financière de l’assureur.
En 2007, le Chicago Mercantile Exchange (CME) a acquis le CBOT et a annoncé que les contrats à terme sur les catastrophes naturelles continueraient à être négociés par l’intermédiaire de sa division NYMEX.
Lors de son lancement, la valeur d’un contrat à terme sur les catastrophes naturelles était initialement de 25 000 $ multipliée par le ratio de catastrophe, qui était une valeur numérique fournie par la bourse chaque trimestre.
Comprendre les contrats à terme sur les catastrophes
Ces contrats ont commencé à être négociés sur le CBOT en 1992 à la suite de l’ouragan Andrew. La valeur des contrats à terme sur les catastrophes est proportionnelle aux dommages et aux pertes liées à l’évènement. En effet, ces derniers augmentent lorsque les perspectives de pertes catastrophiques sont élevées et diminuent lorsque la probabilité de telles pertes sont faibles.
En cas de catastrophe, si les pertes sont élevées, la valeur du contrat augmente et l’assureur réalise un gain qui devrait compenser les pertes éventuelles. L’inverse est également vrai. Si les pertes liées à la catastrophe sont moins importantes que prévu, la valeur du contrat diminue et l’assureur (l’acheteur) perd de l’argent.
Les avantages des contrats à terme sur les catastrophes naturelles
Un contrat à terme sur les catastrophes naturelles aide à protéger les compagnies d’assurance à la suite d’une catastrophe naturelle importante. Ce type d’événement exerce une pression financière importante sur les compagnies d’assurance.
Un contrat à terme sur les catastrophes permet aux compagnies d’assurance de transférer les risques en émettant des contrats et constitue une alternative à l’achat de réassurance ou à l’émission d’une obligation catastrophe (CAT). Les « CAT bonds », ou obligations « catastrophe », sont des obligations généralement émises par une compagnie d’assurance (ou de réassurance) pour transférer auprès d’autres opérateurs une partie des risques liés à des événements naturels exceptionnels (ouragan, tremblement de terre, raz-de-marée, etc.), et par conséquent réduire ainsi sa propre exposition à de telles catastrophes.
Dans certains cas, les assureurs échangent des contrats à terme de différentes régions d’un pays. L’échange de contrats permet aux assureurs de diversifier leurs portefeuilles. Par exemple, un échange entre un assureur de Floride ou de Caroline du Sud, et un assureur de Washington ou de l’Oregon pourrait atténuer les dommages importants causés par un seul ouragan.
Conclusion
Les dérivés météorologiques et climatiques constituent un moyen nouveau et intéressant de se couvrir contre les conditions météorologiques et climatiques non saisonnières. Il ne fait aucun doute que les entreprises seront en mesure de gérer beaucoup plus efficacement les fluctuations de la demande de leurs produits causées par les intempéries. Les dérivés météorologiques et climatiques permettent également de stimuler la recherche sur la probabilité que certains événements météorologiques et climatiques se produisent à différents niveaux temporels et spatiaux.
Ce qu’il est important de comprendre, c’est que la prévention du changement climatique ne viendra pas seulement de l’innovation financière. Il s’agit d’une guerre présente depuis des années et qui implique un effort de la part de l’ensemble de la population, des entreprises et même des États. C’est pourquoi le financement du climat est un outil essentiel pour maintenir la température moyenne en dessous des 2°C, mais pas une solution en soi.
D’un point de vue financier, les activités financières d’atténuation et d’adaptation nécessitent un grand nombre d’innovations en matière de mécanismes, puis un grand nombre de financements. Le terme « financement climatique » renvoie au soutien à la recherche, à l’optimisation des bâtiments et au développement. Afin de centraliser l’effort international, des comités, des conventions et des groupes ont été créés et se réunissent régulièrement.
Enfin, les dérivés climatiques sont un moyen de couvrir le risque climatique inattendu (ou même prévu). Il s’agit d’un domaine en pleine expansion dans la finance, bien que la méthode de fixation des prix soit encore imparfaite. Le risque climatique sera de plus en plus présent et les dérivés climatiques ont donc de beaux jours devant eux. Il pourrait être l’actif financier à posséder dans un avenir assez proche.
Sources
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- D. Ravi Kanth, Climate Finance: Already in trouble, Economic and Political Weekly (September 2010)
- International Climate Finance: Policies, structures and challenges, climate change:
- international law and global governance: Volume II: Policy, diplomacy and governance in a changing environment
- Valeur actuelle nette (VAN) : définition, calcul, traduction, Journal du Net
- Catastrophe Futures, Investopedia
- Obligations Catastrophe (Cat Bonds), UBP
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