Publié le 10/01/2024 Par Xin Zhang

Vous souvenez-vous de la crise financière mondiale de 2008 ? Elle a été déclenchée par la défaillance de grandes institutions financières, telles que Lehman Brothers, qui avaient accumulé d’importants risques de contrepartie dans leurs activités de produits dérivés. Cette défaillance a eu des répercussions systémiques, provoquant une panique sur les marchés, un effondrement du crédit et une contraction du système financier mondial. Mais c’est quoi le risque de contrepartie au juste ? Plus de détails dans cet article.

La réminiscence de la crise des subprimes aussi a été amplifiée par les risques de contrepartie. Les produits structurés adossés à des prêts hypothécaires à risque ont en effet provoqué d’importantes pertes lorsque les emprunteurs ont fait défaut. Ces pertes se sont propagées à travers le système financier car de nombreuses institutions détenaient ces produits ou étaient exposées à des contreparties qui les détenaient.

Ces crises ont alors mis en évidence les vulnérabilités et les risques associés aux défaillances de contrepartie dans le système financier. Depuis, des mesures ont été prises pour renforcer la réglementation, la supervision et la gestion des risques liées aux contreparties. Objectif : réduire le risque de crises similaires à l’avenir.

C’est quoi une contrepartie en finance ?

Le risque de contrepartie est le risque qu’une contrepartie soit incapable ou refuse de respecter ses obligations contractuelles (c’est-à-dire qu’elle fasse défaut). Dans le cadre des contrats dérivés, le défaut se produit à un moment donné après la création du contrat, mais avant la fin de sa durée (c’est-à-dire avant le règlement). En cas de défaut, les paiements actuels et futurs prévus par le contrat ne seront pas effectués.

Le risque de contrepartie et le risque de crédit sont étroitement liés, mais ils présentent des différences importantes, notamment concernant l’évolution potentielle du risque de contrepartie vers un risque systémique dans le système financier. Voici une comparaison des deux risques :

Risque de CréditRisque de contrepartie
▪ Le risque de crédit fait référence au risque qu’un emprunteur ne rembourse pas son prêt ou une autre obligation financière.
▪ Ce risque est spécifique à l’emprunteur et est principalement lié à sa capacité à rembourser le prêt.
▪ Le risque de crédit est généralement associé à des activités de prêt, telles que l’octroi de prêts ou l’extension de crédit aux clients.  
▪ Le risque de contrepartie est un concept plus large qui englobe le risque de défauts ou d’autres pertes financières découlant d’une transaction avec une autre partie.
▪ Ce risque peut provenir de diverses sources, comme le risque de crédit, le risque de marché, le risque opérationnel et le risque juridique.
▪ Le risque de contrepartie ne se limite pas aux activités de prêt et peut survenir dans diverses transactions financières, telles que les contrats dérivés, le commerce de titres ou d’autres accords financiers.  

Comment évaluer le risque de contrepartie : les transactions concernées

Les produits dérivés négociés sur une bourse ne présentent pas de risque de contrepartie. En effet, la chambre de compensation joue un rôle de contrepartie central qui agit en tant qu’intermédiaire entre les parties à la transaction, garantissant ainsi l’exécution et la bonne fin des échanges. Elle agit donc comme un « guichet unique » en assumant le risque de contrepartie pour toutes les transactions qui passent par elle. Ainsi, elle réduit le risque de contrepartie en assurant la stabilité et la sécurité des transactions sur le marché.

En revanche, il convient de souligner que le risque de contrepartie est bien présent dans les transactions sur les produits dérivés de gré à gré (OTC). Dans ces transactions, les parties impliquées ne bénéficient pas de la garantie d’une chambre de compensation. Par conséquent, elles sont exposées au risque que la contrepartie ne puisse pas honorer ses obligations contractuelles, ce qui peut entraîner des pertes financières. Il est donc essentiel de prendre en compte et de gérer attentivement le risque de contrepartie dans les transactions OTC.

Les opérations de financement de titres : repos, reverse repos, securities lending & borrowing

Les repos sont des accords de prêt à court terme (parfois aussi courts qu’une journée) assurés par un certain nombre de garanties. L’accord implique qu’une partie (le vendeur ou l’emprunteur) vende des titres à une autre partie (l’acheteur ou le prêteur) contre de l’argent liquide. Le vendeur / emprunteur rachète alors les titres à une date ultérieure.

En parallèle, le prêteur reçoit le taux de Repo, calculé comme un taux d’intérêt sans risque, plus une prime de risque de contrepartie. La garantie se présente généralement sous la forme de titres liquides. Une décote est appliquée pour atténuer le risque de contrepartie, c’est-à-dire le risque que l’emprunteur ne rembourse pas l’argent ou que la valeur de la garantie diminue.

Pour illustrer l’utilisation d’une décote, supposons une décote (haircut) de 4 % sur un montant de prêt équivalent à 1 million d’euros. Cela signifie qu’environ 1,04 million d’euros de titres sont requis en garantie pour un prêt d’1 million d’euros [1 / (1 – 0,04) = 1,041666667].

Bien que réduit par la garantie sur le prêt, le risque de contrepartie persiste à la fois dans une opération de Repo et de Reverse Repo en raison du fait que le vendeur peut ne pas racheter le titre à l’échéance. Si des titres sont utilisés comme garantie, il existe un risque que la valeur du marché des titres diminue avant l’échéance.

Les produits dérivés de gré à gré (OTC) : les swaps de taux d’intérêt (la majorité des transactions)

Lorsque l’on compare un swap de taux d’intérêt à un prêt classique, le risque de contrepartie est réduit pour le swap de taux d’intérêt car il n’y a pas d’échange de principal. Le risque réside dans l’échange de paiements en espèces variables par rapport à des paiements en espèces fixes. Le concept de « compensation » réduit davantage le risque de contrepartie car seule la différence entre les deux paiements est échangée périodiquement. Dès que la contrepartie ne respecte pas ses obligations de paiement, il n’est plus nécessaire pour l’autre partie de continuer à effectuer des paiements.

Les produits dérivés de gré à gré (OTC) : les transactions Forex

Les contrats à terme sur les devises (FX forwards) présentent un risque de contrepartie important en raison de la nécessité d’échanger des montants notionnels et de maturités longues. Ce qui augmente la probabilité qu’un défaut se produise au moins une fois.

Les produits dérivés de gré à gré (OTC) : les CDS

Les CDS (credit default swaps) présentent un risque de contrepartie élevé en raison du risque de mauvaise direction (wrong-way risk) et de la volatilité significative, ce qui augmente la probabilité d’avoir une partie « perdante » qui fera défaut.

Le risque de mauvaise direction fait référence à une augmentation de l’exposition lorsque la qualité de crédit de la contrepartie se détériore. Cela peut être illustré par un exemple très simplifié où une entreprise investie dans la dette souveraine grecque souhaite protéger sa position en achetant un CDS sur cette même dette souveraine grecque auprès d’une banque grecque.

En supposant une réduction de la notation de la dette souveraine grecque, l’acheteur du CDS est « gagnant ». Cependant, la capacité de la contrepartie « perdante » (la banque grecque) à respecter ses obligations sera davantage entravée en raison de la diminution de la notation de crédit.

Quels sont les éléments importants dans le risque de contrepartie ?

Plusieurs éléments sont à prendre en compte dans le risque de contrepartie.

Exposition au crédit (credit exposure)

L’exposition au crédit correspond à la perte qui est « conditionnelle » à la défaillance de la contrepartie. Cela peut être illustré avec un contrat d’instrument financier entre deux parties. Après sa création, supposons que la contrepartie A a une valeur positive (elle est le créancier et est celle à qui l’on doit de l’argent), tandis que la contrepartie B a une valeur négative (elle est le débiteur et doit de l’argent). Si la contrepartie B fait défaut, la contrepartie A subira une perte sur le montant dû.

Dans la quantification de l’exposition, la totalité du montant principal n’est pas toujours en jeu. Par conséquent, le calcul du coût de remplacement s’avère plus pertinent, en supposant une valeur de récupération nulle. De plus, les calculs doivent tenir compte de l’exposition actuelle (current exposure), qui correspond à deux points :

  • La valeur de marché actuelle de l’instrument financier ;
  • Et l’exposition potentielle future (potential future exposure) qui prend en compte les mouvements possibles des prix et des taux.

Il est essentiel de mesurer et de surveiller en permanence l’exposition au crédit dans les transactions financières afin de comprendre les risques liés à la défaillance d’une contrepartie. Cette évaluation de l’exposition permet aux parties de prendre des décisions éclairées sur la gestion des risques, y compris la mise en place de mécanismes de couverture, la limitation des montants exposés à une contrepartie spécifique et la diversification des contreparties pour réduire le risque global.

La migration de crédit (credit migration)

La contrepartie peut faire défaut ou sa notation de crédit peut se détériorer au cours de la durée du contrat, en particulier pour les horizons longs. À l’inverse, il peut y avoir une amélioration de la notation de crédit au fil du temps. Pour évaluer la migration de crédit, nous devons prendre en compte la structure temporelle de la probabilité de défaut :

  • La probabilité de défaut futur aura tendance à diminuer au fil du temps, surtout pour les périodes lointaines. Cela s’explique par la probabilité plus élevée que le défaut se soit déjà produit à un moment antérieur.
  • Une détérioration prévue de la qualité de crédit suggère une augmentation de la probabilité de défaut au fil du temps.
  • Une amélioration prévue de la qualité de crédit suggère une diminution de la probabilité de défaut au fil du temps.

Comment calculer le risque de contrepartie ?

Il existe une réversion à la moyenne dans la qualité de crédit. Cela implique que les contreparties ayant de solides notations de crédit ont tendance à se détériorer, tandis que celles avec des notations de crédit faibles ont tendance à s’améliorer. La probabilité de défaut d’une contrepartie peut alors être calculée de deux manières :

  • Une mesure réelle historique identifiant la probabilité de défaut réelle ;
  • Et une mesure neutre au risque reposant sur le calcul de la probabilité théorique implicite sur le marché.

Taux de recouvrement (recovery)

Le taux de recouvrement correspond à la partie de la créance impayée effectivement récupérée après le défaut. Par exemple, un taux de récupération de 60 % suggère une perte de 40 %. Il est calculé par 1- LGD (Loss Given Default).

La valorisation au marché (Mark-to-Market – MtM)

Il correspond à la somme des valeurs MtM de tous les contrats avec une contrepartie donnée. Bien qu’en théorie elle représente la perte potentielle actuelle, elle ne tient pas compte d’autres facteurs tels que la compensation, les garanties ou la couverture.

La valeur MtM est égale à la valeur actuelle de toutes les entrées prévues moins la valeur actuelle des paiements prévus (positive si elle est en faveur de la partie et négative sinon). La valeur MtM est une mesure du coût de remplacement. Cependant, bien qu’elle soit généralement proche, le coût de remplacement actuel n’est pas théoriquement identique à la valeur MtM en raison de facteurs tels que les coûts de transaction et les écarts entre les prix d’achat et de vente (bid-ask spreads).

L’impact du risque de contrepartie 

Quel est ou plutôt quels sont les impacts du risque de contrepartie sur les institutions financières mais aussi la société en général ? Si la liste n’est pas exhaustive, vous trouverez ci-dessous quelques-uns des plus importants.

La stabilité financière 

Lorsqu’il y a des défaillances de contrepartie, en particulier chez des institutions financières d’importance systémique, cela peut engendrer des perturbations dans le système financier. Ces défaillances peuvent se propager à d’autres institutions, créant une contagion et mettant en danger la stabilité globale du système financier.

Le coût du capital

Les institutions financières doivent tenir compte du risque de contrepartie lorsqu’elles évaluent leurs activités et déterminent les exigences en matière de capitaux. Un risque de contrepartie élevé peut entraîner des coûts plus élevés en termes de capitaux réglementaires, ce qui peut réduire la rentabilité et la capacité des institutions à fournir des services financiers.

Cela peut également limiter leur capacité à prendre des positions risquées ou à s’engager dans des transactions complexes. En conséquence, les institutions peuvent adopter des mesures pour atténuer le risque de contrepartie, telles que l’utilisation de mécanismes de compensation, la diversification des contreparties et la mise en place de politiques de gestion des risques solides.

La confiance des investisseurs

Le risque de contrepartie peut avoir un impact significatif sur la confiance des investisseurs dans le système financier. Lorsque les investisseurs craignent que les contreparties ne puissent pas honorer leurs obligations, ils peuvent devenir réticents à participer à des transactions ou à investir dans des produits financiers complexes. Cette méfiance peut entraîner une réduction de l’activité sur les marchés, une diminution des liquidités et une augmentation de la volatilité des prix.

L’effet de contagion peut également se produire. En effet, la défaillance d’une contrepartie peut se propager à d’autres institutions ou parties prenantes, créant ainsi une crise de confiance plus large. Les investisseurs peuvent perdre foi dans la stabilité du système financier et dans la capacité des institutions à gérer efficacement le risque de contrepartie. Cela peut entraîner une fuite des capitaux, une baisse des investissements et un impact négatif sur l’économie dans son ensemble.

La réglementation et la surveillance

Les risques de contrepartie ont conduit à une réglementation renforcée et à une surveillance accrue des activités financières. Les autorités de régulation cherchent à réduire les risques de contrepartie en imposant des exigences de capital plus strictes, en favorisant la transparence et en encourageant l’utilisation de chambres de compensation pour atténuer les risques.

Face aux répercussions importantes du risque de contrepartie sur la stabilité financière, la confiance des investisseurs, et la réglementation du secteur, il est crucial de disposer des connaissances et des outils nécessaires pour le mesurer et le gérer efficacement.

👁‍🗨 Pour approfondir votre compréhension des stratégies de gestion du risque de contrepartie, nous vous invitons à consulter notre article détaillé : Comment mesurer et gérer le risque de contrepartie ?

Conclusion

Face à l’impact majeur sur la stabilité du système financier que peut avoir le risque de contrepartie, il est essentiel de mettre en place des mesures appropriées de gestion et de réduction de ce risque pour préserver la solidité et la confiance dans le système financier.

En ce sens, la réforme du risque de contrepartie selon Bâle III tend à améliorer la couverture des risques systémiques. Cette réforme a été mise en place en réponse à la crise financière de 2008. Elle vise à renforcer la gestion des risques en introduisant de nouvelles exigences de capital pour le trading book. Son objectif principal est d’anticiper les cycles du marché en favorisant une meilleure gestion des risques et une plus grande transparence dans l’organisation des marchés des dérivés de gré à gré (OTC).

Le risque de contrepartie est par conséquent un élément critique du système financier mis en évidence lors de la crise de 2008. Malgré les mesures prises pour le gérer, il reste nécessaire de surveiller et de gérer attentivement ce risque pour assurer la stabilité financière.

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Auteur

Xin Zhang

Passionné par la finance ! Avec plus de 11 ans d'expérience en Finance de Marché, Xin intervient en tant que Business Analyst Senior sur des projets stratégiques auprès des acteurs bancaires. Titulaire du CFA et du FRM, Xin aime partager son expertise !