Publié le 04/02/2020 Par Flora Phommahasay

Tester une idée pour résoudre une problématique complexe en cinq jours, telle est la promesse de la méthode d’innovation de Design Sprint. Inspiré du Design Thinking et du Lean Startup, le Design Sprint a pour objectif de cerner le problème le plus impactant pour vos utilisateurs et d’y apporter une réponse en accélérant les processus de créativité jusqu’au prototypage et aux tests. À la clé : la capacité à capter les besoins utilisateurs essentiels et à modeler rapidement la solution en la confrontant à votre cible client, et ce, en moins d’une semaine. Alors prêt pour un Sprint ?

Design Sprint : par qui et pour qui ?

Le Design Sprint est une méthode créée en 2010 par Jake Knapp de Google Ventures en collaboration avec Braden Kowitz et John Zeratsky. Trois designers rodés aux méthodes agiles et au Design Thinking. L’esprit de base est donc très proche de celui du Design Thinking que vous pourrez voir ou revoir dans mes précédents articles (l’innovation en entreprise et méthodologie Design Thinking).

En macro, si votre entreprise veut créer un nouveau produit ou résoudre des problèmes d’usages, la méthode de Design Thinking nécessite de réunir des personnes volontaires et pluridisciplinaires pour collaborer et pour développer une solution centrée utilisateur. Une méthodologie en cinq étapes qui peut se résumer par :

    1. 1) Être en empathie
    1. 2) Définir la problématique
    1. 3) Générer des idées
    1. 4) Prototyper
    1. 5) Tester

Nous retrouvons alors un principe fondateur : construire vite afin de tester rapidement la solution avec de vrais utilisateurs tels que les utilisateurs finaux. Dans les deux cas, il faut valoriser l’expérience centrée utilisateur.

Notons deux différences notables entre ces méthodes :

  • Le Design Sprint est un processus de cinq jours intensifs. Un sprint d’une traite intégrant des activités et des tâches bien définies pour chaque journée, tandis que le processus de Design Thinking est itératif et modulable. Les deux méthodes sont complémentaires, le résultat du Design Thinking pouvant être considéré comme une baseline pour l’entreprise afin d’organiser des Design Sprints.
  • Nous allons voir qu’au fil des jours les activités qui composent le Design Sprint alternent entre phase de convergence puis de divergence. Dans le Design Sprint, une des journées de divergence, qui commence par l’inspiration, est consacrée à la réflexion individuelle vers une solution dans laquelle chacun esquisse sa solution (sketch). Puis très rapidement vient la phase de vote collaborative. Le Sprint se focalise alors sur les meilleurs éléments retenus à prototyper et à tester immédiatement les jours suivants.

Vous pourrez tirer parti des deux méthodes. Ces méthodos s’adressent aussi bien aux startups qu’aux grandes entreprises soucieuses d’innover en permanence. Voyons maintenant le processus jour par jour.

Comment ça marche ?

À l’instar du manifeste Agile pour les méthodes Framework comme Scrum, le guide ultime du Design Sprint est Sprint: How to Solve Big Problems and Test New Ideas in Just Five Days, élaboré par Jake Knapp. Le processus jour par jour y est décrit en détail : du timing par tâche et par activité jusqu’au format de post-it à utiliser.

L’équipe

Commencez par composer une équipe de 4 à 7 personnes maximum, motivées, enthousiasmées par la méthode et avec des expertises pluridisciplinaires. Identifions les rôles majeurs :

Le facilitateur, c’est le garant de la méthode en termes de gestion du temps et de la qualité des livrables.

Le décideur (un ou deux), il/elle devra trancher et prendre des décisions au cours du sprint.

Les experts, aussi bien issus des équipes métiers, designers et ingénierie. Ils apportent la vision terrain.

Chaque personne participe avec la même intensité à l’ensemble des étapes du Sprint.

Le processus global

Un Sprint en 5 jours maximum. Attention, c’est dense ! Chaque journée est rythmée par des activités bien définies avec des objectifs précis.

Source : https://medium.theuxblog.com/a-product-design-toolkit-a-sprint-through-google-s-product-design-methodology-412b0743fadf

Jour 1, MAP (comprendre le problème)

Lundi matin, vous discutez beaucoup pour partager les connaissances métiers et cerner la problématique à résoudre. Vous cartographiez le parcours utilisateur à travers votre produit / service.

Lundi après-midi, vous interrogez les experts sur le problème. Certains experts font partie du sprint mais vous pouvez en inviter d’autres pour cette demi-journée si cela vous semble pertinent. Vous rédigez également la user story pour le persona à adresser dans ce sprint.

À la fin de la journée, le problème à solutionner dans la map utilisateur et la cible client sont clairs pour toute l’équipe et les objectifs sont fixés pour le sprint.

Jour 2, SKETCH (diverger et trouver des solutions)

Mardi matin est consacré à l’inspiration. Il s’agit plus de revoir les solutions existantes, de les remixer et de les améliorer que d’avoir l’unique idée du siècle. Une personne présente plusieurs démos et vous aurez noté les idées retenues sur le whiteboard.

Mardi après-midi, chaque personne de l’équipe dessine sa solution individuellement en rassemblant ses notes, ses idées, en appliquant l’exercice du crazy-8 et en schématisant sa solution.

À la fin de journée, vous aurez donc autant de solutions esquissées que de participants sur une pile retournée.

Jour 3, DECIDE (décider)

Mercredi matin, vous dépliez un à un les sketches et critiquez collectivement. Ensuite, chaque participant placera une gommette sur les éléments qu’il/elle souhaite voir développer sans être influencé par des éléments extérieurs. Vous déciderez alors quels sont les éléments du sprint qui composeront le prototype. S’il n’y a pas d’évidence, le ou les décideurs doivent jouer leur rôle.

Mercredi après-midi, réalisez le storyboard de la solution à partir des sketches. Ne nous laissez pas tenter par de nouvelles idées, vous perdrez du temps.

Jour 4, PROTOTYPE (prototyper)

La journée entière est dédiée à la réalisation d’un prototype. Une action possible en une journée car vous vous concentrez sur l’interface et sur les interactions entre votre produit / service et l’utilisateur. Pour y parvenir, de nombreux outils sont disponibles et s’avèrent efficaces comme Marvel, SketchUp, InVision, Flinto. À la fin de la journée, vous disposez alors de votre prototype réaliste prêt à être testé et vous avez préparé un script d’interview pour vos utilisateurs.

Jour 5, TEST (tester)

Vendredi, c’est la consécration à la suite d’une dense semaine de travail. Vous interviewez les utilisateurs et surtout vous observez leur réaction in situ. Vous êtes alors armés pour valider ou non votre solution. La semaine se termine par le partage des décisions et le plan pour la suite à donner.

Bien se préparer en amont du sprint et bien conclure

Avant de démarrer un sprint, vous devrez préparer votre scène. En amont, veillez à réunir les éléments de réussite suivants :

  • Adresser une problématique suffisamment importante (n’essayez pas d’éradiquer la famine dans le monde avec le Design Sprint mais généralement la création d’un nouveau produit ou service innovant) → The big business challenge
  • Recruter une équipe motivée, pluridisciplinaire et enthousiastes pour la méthode (les rôles clés ont été cités précédemment). Le facilitateur pourra préparer avec les intervenants métier les supports de présentation du contexte, les enjeux, le persona map ou la veille concurrentielle.
  • Réserver 5 jours consécutifs dans les agendas des participants
  • Réserver une même salle stimulante, créative et propice à la collaboration
  • Apporter des outils et vivres (post-it, feutres, gommettes, paperboard, snacks et en-cas)
  • Identifier les testeurs finaux qui correspondent à un persona i.e. une personne fictive qui représente un groupe cible.

Ces ingrédients sont bien-sûr à adapter à votre contexte d’entreprise. Un sprint peut se planifier après un lancement kick-off projet par exemple. Selon vos contraintes, un décideur final peut intervenir aux moments clés du sprint pour orienter les décisions.

Au bout du sprint, vos décisions seront facilitées du fait de la confrontation du produit ou du service avec les utilisateurs finaux. Vous pourrez continuer le projet en améliorant le prototype réalisé, en faire un MVP (Minimum Valuable Product) ou bien réorienter les idées.

Quelle que soit l’issue du sprint, communiquez votre enthousiasme ainsi que les éléments produits durant ces 5 jours (livrables, photos, vidéos). Partagez les conclusions, décisions et recommandations.

Encore plus loin, un sprint d’un soir

Chez Meritis, j’ai voulu expérimenter la méthode sur une soirée dans une time box de 1h30. Ambitieux n’est-ce pas ? Sachant que les membres de l’équipe n’avaient pas ou peu de notion de Design Thinking ni de Design Sprint, et que le cas pratique que je soumettais était totalement nouveau pour eux.

La préparation en amont tient donc sur les deux slides suivantes qui présentent le sujet puis les objectifs et activités / livrables. En résumé, la mission : « Améliorer la jouabilité d’un jeu type shooter Game en insérant des messages éducatifs pour faire connaître des figures féminines historiques du monde informatique, tant en conservant une fluidité de parcours. »

Le livrable attendu : un jeu vidéo développé en LUA sur borne d’arcade Pico-8.

La version alpha développée avant l’atelier est consultable ici et la version aboutie . Dans la mesure où j’arrivais avec une version de base, nous pourrions dire que le processus se rapproche plus du Lean Startup qui vise à améliorer un produit / service.

La démarche en bref alterne entre phases de convergence et phases de divergence de manière encore plus rapide. Les étapes de cet atelier accentuent à l’extrême le sentiment d’urgence et le besoin de cocréation :

1) L’ouverture > C’est l’occasion de remercier chaque personne pour leur présence et pour leur participation. Je propose un cadre de travail de bienveillance dans lequel chacun s’engage à écouter toutes les idées émises sans jugement. Je présente l’objectif et le déroulement.

2) Le pitch > En moins de cinq minutes, je fais une démo du jeu existant version alpha et j’explique pourquoi il me tient à cœur de créer un jeu qui met en valeur des icônes de femmes qui ont significativement marqué l’histoire du monde informatique et de l’espace.

3) Le défi > Sur cette base, nous commençons la réflexion commune pour cerner la problématique la plus pertinente avec la méthode du How Might We aka HMW. Cette méthode permet de penser différemment en reposant le problème sous l’angle « Comment pourrions-nous ? ». La nuance est de taille ! Au lieu de poser un problème et de se ruer vers des solutions floues, affirmatives, illustrées par une liste de bullet points, nous voulons ici questionner plusieurs fois la problématique sous forme interrogative. Nous aboutissons alors à notre vrai Design Challenge pour rendre le produit meilleur : « Comment faire connaitre des pionnières du monde informatique et de l’espace tout en jouant à un jeu ludique, rétro et addictif pour des étudiant-e-s candidat-e-s potentiel-le-s à l’entreprise Meritis ? »

4) Les idées > En brainstorming de cinq minutes, nos échanges convergent rapidement sur la nécessité de mettre des pauses dans le jeu à chaque passage de niveau pour faire passer notre message. À chaque passage de niveau sera décrite une informaticienne, une chercheuse ou une mathématicienne avec un fait qu’elle a accompli. Sur ce parcours, nous générons ensuite individuellement sur des post-it carrés, des idées de fonctionnalités : type de « monstres » à détruire dans le space shooter, calcul des scores, classement, pas de perdant dans le jeu, code QR en fin de jeu pour rediriger vers le blog Meritis, etc. Plus il y a d’idées, plus il y a de chance d’avoir de bonnes idées !

5) Les votes > Nous alignons les post-it d’idées sur la table, nous prenons le temps de lire les idées des autres en silence puis nous votons avec des gommettes de couleurs.

Et TIME’S UP !

Le temps imparti est écoulé pour cette session. Nous finalisons en priorisant les idées qui ont reçu le plus de gommettes tout en conservant l’ensemble. Nous planifions les prochaines étapes de développement pour les fonctionnalités / idées retenues. Nous travaillerons en asynchrone pour la suite.

En retour d’expérience, nous pouvons nuancer les éléments suivants pour cette tentative de Sprint Design de l’extrême :

Meritis étant plus orienté ingénierie IT, l’équipe de 5 personnes était très technique (CTO, développeurs et facilitatrice). Nous aurions gagné en valeur en intégrant des Game et UX designers. L’avantage d’avoir des profils de même famille est qu’il y a moins de divergence donc nous gagnons du temps mais nous perdons en diversité et en créativité.

De nombreux développements post sprint ont été nécessaires notamment pour ajouter des fonctionnalités et construire la borne d’arcade.

Et enfin, la journée se terminant, nous avons pu présenter le jeu à des utilisateurs finaux : ingénieurs d’affaires ou staff interne. Disons que cet atelier d’une heure trente était seulement une prémisse pour définir la cible et réfléchir collectivement aux fonctionnalités les plus pertinentes. C’est peut-être le manquement le plus important car, sans utilisateurs, peut-on réellement parler de démarche centrée utilisateur ? Ce point sera partiellement corrigé par une présentation de la borne au staff interne dans un second temps, sans pour autant utiliser la forme objective d’une interview d’observation.

La borne servira avant tout, je l’espère, à attirer des profils féminins IT lors du forum école en mettant en avant des figures emblématiques du monde informatique et de l’espace comme Ada Lovelace, Margaret Hamilton et Katie Bouman. Cet outil ludique et convivial sera également présent lors des conférences sur les comptoirs des stands Meritis.

En conclusion, le Design Sprint est un processus qui s’intègre dans des méthodologies plus larges comme le Design Thinking pour favoriser la transformation des entreprises innovantes, pour stimuler la créativité et l’efficacité des startups. Tester vite une idée et l’adapter en cours de route vaut mieux que dépenser du temps et de l’argent à construire une mauvaise idée 😊

Venez jouer et commenter :

Le jeu version beta++ post sprint

Le jeu version alpha avant atelier

Les sources du jeu

Sources :

https://www.gv.com/sprint/

https://www.thesprintbook.com/

https://exeisconseil.com/article/lean-startup-et-design-thinking

https://www.usabilis.com/qu-est-design-sprint/

https://medium.com/@jlitty/how-to-facilitate-a-complete-design-sprint-in-1-hour-with-45-participants-in-order-to-help-fa64605931b4

Vos commentaires

  1. Par Lenna Chemoul, le 06 Fév 2020

    Hyper intéressant et apprenant ! Bravo

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Auteur

Flora Phommahasay

Consultante Digital & IT Project Manager 01∆ ≈ ♫ ♠
Dans le monde agile, #Product Owner / #Scrum Master passionnée d' #UX / #UI. Vous trouverez la liste ~exhaustive de mes missions sur cette page pour les robots. Pour les humains, vous pouvez m'écrire, m'appeler, me parler autours d'un café